L’artiste contemporain JR signe l’affiche du 54e Montreux Jazz Festival, incisive invitation en noir et blanc à s’immerger dans la prochaine édition, qui se tiendra du 3 au 18 juillet 2020. Le programme sera dévoilé le 26 mars prochain.
L’affiche de la 54e édition du Montreux Jazz Festival est signée JR, célèbre pour ses collages monumentaux dans les villes du monde entier.
Des banlieues de Paris aux favelas du Brésil, des rues de New York à celles d’Istanbul ou de Shanghai, il tire le portrait des anonymes et oubliés de nos sociétés, et fait de l’espace public son lieu d’exposition privilégié. Il a par exemple réalisé l’an dernier une installation en anamorphose autour de la Pyramide du Louvre.
Noir et blanc, illusion, trompe-l’œil : on retrouve ces éléments dans l’œuvre à la fois sobre et percutante créée pour le Festival au moyen de ses médiums de prédilection, photo et papier. L’affiche de l’édition est mise en abyme, transpercée non sans malice par un personnage qui fait écho à la curiosité des spectateurs.
Ce procédé, que JR intitule Paper Portraits, est mis en œuvre depuis plusieurs années à l’occasion de la cérémonie de remise des Oscars du cinéma. Un univers qui ne lui est pas étranger puisque le documentaire Visages, Villages (Œil d’or à Cannes), coréalisé avec Agnès Varda, y fut nominé en 2018.
Un parcours format géant
Né en 1983 en région parisienne, JR s’empare au début des années 2000 d’un appareil photo oublié dans le métro. Ce sont les portraits de toute une génération, celle d’une banlieue nord de Paris, qu’il commence à photographier et coller en noir et blanc sur les bâtiments publics. Depuis, JR a déployé des collages photographiques géants partout dans le monde, sur un train au Kenya, des deux côtés du mur israélo-palestinien, dans les vieux quartiers d’Istanbul ou de La Havane. Pour le projet Women are heroes (2008), il colle des regards de femmes sur des wagons, sur les conteneurs d’un paquebot au Havre ou sur les maisons de tout un pan de colline à Rio de Janeiro.
JR a également collaboré avec des musiciens, comme Arcade Fire pour qui il réalise une pochette d’album en 2017 ou encore Ibeyi ou M (Matthieu Chedid) en 2018. En 2015, il confie à Woodkid et Nils Frahm la bande originale de son court-métrage sur Ellis Island, avec Robert De Niro. En 2014, il collabore avec Woodkid pour la musique de son ballet Les Bosquets, qu’il chorégraphie au New York City Ballet. Woodkid, Pharrell Williams et Hans Zimmer signent ensuite la musique du court-métrage inspiré du projet.
Pour son projet d’art participatif global Inside Out, il donne au plus grand nombre l’opportunité de partager son portrait et de faire passer un message. Plus de 420’000 personnes de 141 pays y ont participé, via le site internet du projet ou l’un de ses photomatons géants.
Récemment, il a réalisé un collage à grande échelle dans la cour d’une prison de très haute sécurité en Californie, une fresque vidéo représentant la ville de San Francisco exposée au MOMA avec plus de 1’200 personnes et une fresque de 245 américains sur la question des armes aux USA pour le magazine TIME. Son œuvre a également fait l’objet d’une exposition majeure au Brooklyn Museum.
L’art de JR, qui reste anonyme, joue avec l’architecture des villes qu’il visite pour laisser la place aux rencontres et capter l’attention d’un public qui n’est pas habituellement celui des musées. S’immiscer dans l’imaginaire collectif est la clé de son travail ouvert au monde, prompt à constamment soulever des questions.
Les affiches du Festival
Depuis 1967, le Festival laisse le soin à des artistes internationaux de réaliser son affiche officielle. Keith Haring en signait trois déclinaisons en 1983, puis en binôme avec Andy Warhol en 1986. David Bowie se prêtait au jeu en 1995, comme plus récemment Yoann Lemoine (Woodkid), Malika Favre, Christian Marclay ou Ignasi Monreal.