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F1 : Brad Pitt pulvérise les chronos et fait rugir la salle
Dark Light

F1 : Brad Pitt pulvérise les chronos et fait rugir la salle

Entre vue-plongée sur la ligne droite de Monza, vrombissements d’ailerons numériques et charisme XXL, le nouveau long métrage de Joseph Kosinski transforme le cinéma en circuit.

« F1 » est-il un simple tour de piste ou la pole position des blockbusters ? Spoiler alerte : le moteur tourne à plein régime. Pendant 148 minutes, F1 nous enferme dans un cockpit miniature, pare-brise panoramique rivé à 320 km/h.

Après le visionnage, on ressent une certitude de vivre une séance rare : un film de studio qui assume son ADN populaire tout en réussissant la prouesse – devenue trop rare – de faire communier les accros d’adrénaline et les cinéphiles avertis.

 

La dramaturgie pied au plancher

Kosinski et ses scénaristes déroulent le fameux Beat Sheet popularisé par Blake Snyder avec une efficacité chirurgicale : présentation du héros déchu (le vétéran Sonny Hayes), catalyseur externe (l’appel du patron d’écurie Ruben Cervantes), fun & games sur circuits, dark night of the soul à Spa-Francorchamps… Tout y est, au risque d’une certaine prévisibilité – notamment la romance entre Hayes et l’ingénieure incarnée par Kerry Condon, cousine éloignée de l’idylle Maverick/Penny dans Top Gun : Maverick. Mais reprocher à F1 son classicisme narratif revient à blâmer Ferrari pour sa livrée rouge : c’est la promesse même du spectacle. Le tempo est métronomique et ne lâche jamais le public ; comme un changement de pneus parfaitement exécuté, chaque scène relance la machine sans friction.

Réalisation immersive, caméras embarquées et gros calibre IMAX

Depuis Tron : Legacy jusqu’à Top Gun : Maverick, Kosinski n’a cessé d’aiguiser son obsession pour la captation du mouvement. Avec F1, il franchit un nouveau pallier technique : caméras 6K fixées sur des châssis d’envergure F2 re-carrossés, objectifs grand-angle créés sur mesure par Claudio Miranda pour résister aux G latéraux, et tournage in situ pendant quatorze Grands Prix réels – le tout sous l’œil vigilant de Lewis Hamilton, coproducteur et consultant technique.

Le résultat ? Des plans cockpit qui rivalisent de férocité avec la simulation la plus coûteuse. On sent chaque vibreur tordre la direction, chaque micro-correction sur le volant faire trembler la mise au point. La salle n’est plus un endroit où l’on regarde une course : c’est la piste elle-même, saturée d’odeurs d’ozone et de freins carbo. On sort lessivé, heureux, et un peu incrédule devant la densité de sensations offertes.

Brad Pitt attaque son virage sexagénaire avec une aisance sidérante. Crinière poivre et sel, regard bleu cobalt, il injecte à Sonny Hayes cette coolitude vintage qui faisait déjà le sel de Once Upon a Time… in Hollywood. Au cinéma, le charisme est souvent question d’économie ; Pitt, lui, tourne chaque silence en monologue intérieur. Sa partition rappelle Steve McQueen, mais sous amphétamine.

À ses côtés, Damson Idris (Joshua Pearce) gagne ses galons de star en moins de trois virages : mélange d’arrogance juvénile et de fragilité masquée, il offre au film une relève crédible. Javier Bardem, en patron d’écurie charismatique et borderline, rappelle le Jerry Bruckheimer-verse des années 2000 : larger than life mais irrésistible. Ajoutez les caméos malicieux de Charles Leclerc ou George Russell, et F1 devient cette zone floue entre fiction et paddock, où la F1 réelle vient certifier l’illusion.

Quand le son devient accélérateur de particules

Impossible de parler de F1 sans évoquer son mixage. Dans une époque où l’ATMOS finit trop souvent relégué aux blockbusters Marvel, Kosinski impose une grammaire sonore d’une précision chirurgicale : chaque rétrogradage, chaque détonation de l’anti-lag explose à 360°, tandis que la bande-originale, concoctée par Lorne Balfe, marie pulsations électroniques et cordes motorik. Résultat : un flux continu d’adrénaline qui colle littéralement le spectateur au baquet. Là encore, la fiction se confond au ressenti réel – à tel point qu’un spectateur non averti pourrait croire sentir des vibrations dans son fauteuil.

Le montage d’Eddie Hamilton (Mission : Impossible – Fallout) fonctionne comme un classificateur d’images high-speed. Plan drone sur Silverstone, cut intérieur cockpit, contre-plongée publique, plan large IMAX… La cadence dépasse parfois la demi-seconde, mais l’espace reste lisible ; on comprend toujours qui freine, qui attaque et pourquoi. Côté photo, Claudio Miranda poursuit son exploration de l’hyperréalisme numérique : capteurs 6K pour la clarté absolue, coupes de lumière rasantes au coucher de soleil, contrastes quasi HDR dans les stands. Sa palette chromatique, chaude et métallisée, renvoie à Oblivion ou Tron : Legacy, mais le bitume noir et l’orange incandescent des freins apportent un relief inédit.

Transmission, seconde chance et obsession de la perfection

Comme les meilleurs drames sportifs, F1 bifurque vite du simple spectacle mécanique pour toucher l’humain. Sonny Hayes n’est pas qu’un vétéran en quête de come-back : c’est un homme hanté par l’accident qui a brisé sa carrière, symbole d’une machine à broyer les corps autant que les egos. Joshua Pearce, lui, figure la génération social-media sous pression permanente, obsédée par le « next big thing ». Leur duo parle du mentorat, de la prise de relais, de la peur de vieillir dans un monde où la vitesse n’attend personne. Dans un sport réputé individualiste, la solidarité intergénérationnelle fait mouche – et, par ricochet, interroge les rapports père/fils, pilote/ingénieur, public/institution.

F1 n’est pas le film qui réinvente la roue ; il l’utilise pour nous propulser dans un trip sensoriel total. Joseph Kosinski, aidé du trio Pitt–Miranda–Hamilton, réussit là où tant de blockbusters se perdent : conjuguer immersion technique et émotion primaire. On peut pointer ses raccourcis scénaristiques ou sa romance automatique ; ils pèsent peu face à la montée d’adrénaline continue et à la générosité d’un spectacle pensé pour la salle. Rush avait l’intensité tragique, Le Mans ’66 la précision mécanique ; F1 a le panache pop et une vibe des films des années 90.


F1 le film, sortie le 25 juin 2025 au cinéma

Sonny Hayes (Brad Pitt) était le phénomène de F1 le plus prometteur des années 90 jusqu’à son terrible accident. Trente ans plus tard, alors devenu pilote indépendant, il est contacté par son ancien coéquipier Ruben Cervantes (Javier Bardem), patron d’une écurie de F1 au bord de la faillite. Ruben convainc Sonny de faire son grand retour sur le circuit pour tenter de sauver l’écurie et montrer qu’il est le meilleur pilote du monde. Il aura pour coéquipier Joshua Pearce (Damson Idris), diamant brut sans limite qui compte s’imposer comme le numéro 1. Mais très vite, Sonny est rattrapé par son passé. Il découvre alors qu’en Formule 1, son coéquipier est son plus redoutable rival, que le danger est partout, et qu’il peut y laisser sa vie.

Nous avons apprécié

Brad Pitt en état de grâce, Damson Idris révélation immédiate

Réalisation immersive de Kosinski

Montage endiablé d’Eddie Hamilton, lisibilité exemplaire

Mixage sonore étourdissant, expérience sensorielle totale

Cameos de vrais pilotes et authenticité des séquences circuit

Nous n'avons pas apprécié

Romance un brin téléphonée et arcs secondaires sacrifiés

Quelques facilités de scénario

Thèmes évoqués mais parfois survolés (la politique du paddock)

148 min qui laissent peu d’oxygène aux personnages secondaires

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