Derrière les scènes imposantes du Paléo, difficile parfois d’imaginer l’infrastructure mise en place pour garantir un show sonore de qualité.
Pour s’en rendre compte, nous avons rencontré Nicolas Chevallier, responsable adjoint de la technique des scènes.
Après avoir baigné de longues années dans le domaine de la sonorisation, il a repris la direction technique de Paléo en 1990, ce qui implique une vision globale de la technique des scènes, du son à l’éclairage en passant par la vidéo.
Nicolas, comment se passe l’installation sono des diverses scènes ?
Nous travaillons avec deux fournisseurs de sonorisation qui préparent le matériel en amont dans leurs locaux environ une semaine avant le festival. Une fois sur place, ils installent les scènes entre un et deux jours avant, en commençant par la Scène des Arches qui, avec sa forme d’arène, est un peu plus compliquée à sonoriser. Bien que le délai soit court et le matériel conséquent – la sono de La Grande Scène représente trois semi-remorques – nous n’avons jamais eu de problèmes de son lors de l’installation. En cas de panne, les deux fournisseurs prennent toujours un peu plus de matériel avec eux. Il est donc aisé de remplacer un haut-parleur par exemple.
Quel effectif représente l’équipe sono ?
Il y a sur scène entre quatre et cinq personnes qui font partie de l’équipe des fournisseurs. Paléo met également à disposition deux personnes pour seconder cette équipe. Il est dans la philosophie de Paléo de former, en choisissant des gens de la région suivant des écoles de son ou qui sont musiciens. Après deux ans, ils arrivent généralement à voler de leurs propres ailes. Pour La Grande Scène, les groupes viennent avec un kit complet, leurs propres équipes, micros, retours, tables de mixages et ingénieurs du son. C’est très rôdé car la plupart de ces groupes sont en tournée, donc constamment en déplacements. Pour les plus petites scènes, il arrive que nous fournissions notre propre ingénieur du son pour les groupes qui n’en auraient pas.
Est-ce que la qualité de la sono a augmenté ces dernières années ? Quelles ont été les évolutions ?
Nous prêtons une attention particulière à la sono car nous avons six scènes sur le terrain et que nous devons éviter les collisions sonores. En termes de qualité, un haut-parleur reste un haut-parleur, mais il y a eu des changements surtout au niveau des genres musicaux. Il y a vingt ans, nous n’avions pas autant d’infrabasses dans la musique. Maintenant, nous faisons appel à davantage de renforts de graves qu’auparavant. Le son est aussi plus fin, plus cristallin, les retours de scènes sont plus petits mais avec plus de « patate ». Le réglage des machines se fait aussi de façon plus aisée car une partie est maintenant gérée par informatique. De plus, les systèmes de Line Array, présents depuis plus de vingt ans sur le festival, permettent d’arroser l’ensemble du public avec un son plus homogène.
Combien de temps prévoyez-vous pour installer un groupe et faire le sound check ?
L’installation d’un groupe prend plusieurs heures, surtout pour les grosses formations. Cette année par exemple, nous accueillons le groupe Gorillaz à quatre heures du matin pour mettre en place toute la production (écrans géants, éclairages, décors etc.). Nous ne pouvons pas passer trop de temps non plus, car nous proposons entre trois et cinq concerts par jour. Si le son ne représente qu’une petite partie de l’installation, il faut compter en général entre 30 et 45 minutes de sound check par groupe, parfois plus pour ceux en devenir. Les sound check se font dès le matin jusqu’à l’ouverture des portes au plus tard. Nous évitons aussi de trop communiquer sur les sound check. Avec près de 4’000 collaborateurs sur le terrain, il y a forcément un petit groupe d’afficionados présent à ce moment-là pour écouter les balances son. Ce n’est pas toujours très confortable pour l’artiste de se retrouver ainsi « à nu », non préparé, avant son concert du soir.
Est-ce que la technologie sans fil est plus problématique que par le passé lorsque tout était câblé ?
Depuis quelques années, nous voyons une augmentation hallucinante de micros émetteurs sans fil. Il est certain que bientôt plus rien ne sera câblé sur scène. D’ailleurs, les gros groupes sont tous équipés en in-ear (retour de la musique sans fil par oreillette). En termes de perturbations des fréquences, nous n’avons pas de problèmes car tout est super bien calé. Dans notre équipe, une personne est chargée de vérifier la répartition des fréquences. Certains soirs, nous avons jusqu’à 180 fréquences à gérer. En plus des micros pour la musique, il faut également prendre en compte entre 250 et 300 radios utilisées par les divers services, les pompiers, les Securitas, l’infirmerie, la technique. D’où la nécessité de tenir une grille extrêmement précise.
La météo est-elle un gros problème pour vous ?
Le vent en est un parce qu’il s’engouffre dans les micros et peut créer un vrai vrombissement. Si ce n’est pas trop problématique pour un concert de rock, ça l’est beaucoup plus sur un concert classique. Il nous est aussi déjà arrivé de devoir arrêter des concerts parce que le vent était trop important. L’humidité et le changement de pression barométrique en fin de journée peuvent aussi modifier la qualité du son et le public y est très sensible. C’est le travail des sonorisateurs de gérer tout ça. La pluie en revanche n’est pas un problème. Les scènes sont couvertes et les musiciens jouent bien le jeu.
Un musicien pourrait-il risquer l’électrocution en cas de pluie ?
Si les systèmes d’il y a 20 ou 25 ans pouvaient présenter ce risque, ce n’est plus possible avec les systèmes actuels. Les boîtes sont protégées et sont weatherproof. Si un chanteur se place sous la pluie avec sa guitare, il peut y avoir une panne d’électronique, mais on ne met pas en danger sa vie. J’ai notamment le souvenir du concert de Johnny durant lequel il avait fait avancer tous ses musiciens pour qu’ils jouent sur le devant de scène alors qu’une pluie intense s’y abattait. Même si son promoteur était très inquiet, il n’y avait absolument aucun danger.
En cas de coupure générale de courant dans la région, avez-vous une solution de secours pour alimenter les scènes du festival ?
En cas de panne, le festival possède quelques génératrices situées à des endroits stratégiques, qui démarrent automatiquement pour alimenter environ un quart de la puissance normale. Il est donc impossible de poursuivre les concerts car cela nécessiterait beaucoup trop de puissance, mais la sécurité des festivaliers serait préservée. Des messages sur les écrans géants indiqueraient également où ils devraient se diriger.
Est-ce que la limitation de volume à 100dB gêne les ingénieurs du son ou au contraire vous trouvez que c’est une bonne chose ?
La mesure sonore est obligatoire pour obtenir la dérogation des 100dB et la loi est de plus en plus respectée. Notre équipe dédiée uniquement aux relevés sonores intervient en cas de pics trop importants. Chaque scène est équipée d’un écran d’ordinateur qui indique le volume. 100dB reste un niveau raisonnable selon moi. Si le niveau était fixé en-dessous, les gens ne seraient pas satisfaits car ils veulent tout de même en prendre plein les oreilles.
Quel est le groupe qui a demandé la plus grosse infrastructure pour le son ?
Prodigy par exemple, groupe pour lequel nous avons dû rajouter plusieurs enceintes pour atteindre un niveau très élevé sur leurs retours sur scènes. Idem pour Rammstein. De manière générale, le matériel que nous avons convient très bien car il est adapté au terrain du Paléo.
Le Larsen, c’est une hantise pour un ingénieur du son ? Comment fait-on pour l’éviter ?
Oui en effet, mais ça arrive de moins en moins parce que tout est analysé lors du montage du son et on s’en rend vite compte. Nous avons aussi des outils de plus en plus perfectionnés qui permettent de visualiser tout cela. C’est aussi la hantise du fournisseur de la sono, parce que trois ou quatre Larsens sont susceptibles d’abîmer un haut-parleur.
Pour finir, est-ce qu’il y a des concerts que tu te réjouis de voir cette année et que tu ne louperais pour rien au monde ?
Je n’ai pas vraiment de programme tout tracé. Souvent j’aime bien me promener le matin pendant le sound check parce que ce sont des moments très forts, sans public et il y règne comme une petite magie.
Informations : yeah.paleo.ch/fr
Sound designer très présent dans le milieu audiovisuel romand, Julien est passionné du son sous toutes ses formes. Ses activités le mènent à travailler tant dans les médias radio-tv, la publicité et le jeu vidéo. Tel un Lucky Luke moderne, il ne met jamais long à dégainer son enregistreur pour immortaliser un bruit ou une ambiance venue chatouiller ses tympans curieux.