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Lire pour s’aérer

Lire pour s’aérer

Ras-le bol de cette atmosphère pesante ! Ici, on parle de bulles d’air frais, d’ouvrages qui font du bien, de textes qui remuent et qui font réfléchir.

Deux romans, une bande dessinée : de quoi se changer les idées et faire un petit doigt d’honneur à ce virus (il s’en fout, mais nous ça nous fait du bien).

C’est dans une situation assez proche d’un confinement que se retrouve à sa plus grande surprise Lou, le jeune narrateur du troisième roman de Julia Kerninon, Buvard (publié aux éditions du Rouergue, 2014). Alors qu’elle n’accorde pas d’interviews à la presse, la célèbre écrivaine Caroline N. Spacek répond à la lettre de l’étudiant, fan inconditionnel de ses romans, et l’invite à venir la voir. Dans sa maison perdue dans la campagne anglaise, cette femme dont on ne connaît que l’oeuvre va se livrer au jeune homme pendant plusieurs semaines. Buvard, c’est un huis-clos qui enferme deux inconnus, deux inconnus qui s’apprivoisent, s’énervent, s’émeuvent, s’aiment, se livrent. Buvard, ce sont des vannes qui s’ouvrent, une femme qui expire après avoir retenu son souffle pendant toute une vie. C’est une femme qui parle d’elle, de sa vie, de l’écriture, qu’elle a toujours préféré aux hommes. C’est le récit de Caroline N. Spacek, en prenant toute la place qu’il mérite, qui permet aux deux esprits de s’échapper quotidiennement de cette maison dont les murs sont parfois étouffants.

Julia Kerninon, publié
aux éditions du Rouergue, 2014

 

S’échapper, c’est d’ailleurs le désir qui tourmente jour et nuit l’autostoppeur, personnage autour duquel s’articule le roman Par les routes de Sylvain Prudhomme (publié aux éditions Gallimard en 2019). Sacha, meilleur ami de jeunesse de l’autostoppeur (dont on ne connaîtra jamais le prénom), quitte Paris pour s’installer dans la petite ville du sud-est de la France dans laquelle son ancien ami vit avec sa femme Marie et leur fils. On ne saura jamais exactement ce qui, des années auparavant, avait poussé Sacha à fuir cette amitié, mais les deux hommes se retrouvent. Alors que sur le papier sa vie semble idéale et paisible, l’autostoppeur n’a jamais cessé de partir, ponctuellement, sans prévenir, pour quelques jours, parfois quelques semaines. Il quitte sa famille régulièrement et sillonne la France en autostop, puis, lorsqu’il le décide, il revient. Partir ou rester ? C’est la question qui est au coeur de ce roman. L’amitié, l’amour, les autres, soi-même, quelle place pour qui ? Par les routes, c’est une ode à la liberté. Ce roman offre l’occasion de se poser et d’accueillir des questionnements et des émotions parfois refoulés depuis trop longtemps.

Sylvain Prudhomme, publié aux éditions Gallimard en 2019

 

Pour ma part, ce sont des souvenirs d’enfance qui sont revenus haut et clair, avec une douce soudaineté, lorsque j’ai ouvert la bande dessinée Sacrées sorcières de Pénélope Bagieu (publiée aux éditions Gallimard, 2020). Petite, je dévorais les romans de Roald Dahl. Je les trouvais drôles, effrayants, captivants, et ils ont laissé des souvenirs limpides dans mon esprit. Le premier orteil trempé dans cette BD a suffi à me projeter dans le passé et dans les sensations qui en découlent. Les quelques réticences que j’aurais pu avoir (la peur d’être déçue, que ça n’ait plus la même saveur) ont été balayées. Aucune déception, juste du plaisir. Sacrées sorcières, c’est l’histoire d’un petit garçon qui vit avec sa grand-mère, et à qui cette dernière dévoile que le monde est en fait rempli de sorcières, des êtres terrifiants qui détestent les enfants. Élément le plus glaçant : ces sorcières sont très difficilement reconnaissables, car elles se déguisent en femmes tout à fait normales. Cette BD, c’est un plongeon dans l’enfance, on y saute les deux pieds dedans et on le fait avec le plus grand des plaisirs. Pénélope Bagieu fait honneur à Roald Dahl tout en y apportant sa couleur et sa fraîcheur. La dessinatrice nous met sous les yeux les personnages géniaux (une grand-mère qui fume le cigare, des sorcières vraiment méchantes…) que l’on ne pouvait qu’imaginer bien des années plus tôt. Bref, Sacrées sorcières, c’est drôle, c’est intelligent, c’est beau. C’est une madeleine de Proust qu’il serait idiot de ne pas dévorer.

Pénélope Bagieu, publiée aux éditions Gallimard, 2020

 

Trois ouvrages très différents donc, trois façons de permettre à son esprit de fuir ce confinement, même pour quelques minutes. Il va de soi que, si vous n’avez pas ces ouvrages dans vos étagères, l’aller-retour en librairie est compromis en cette période. Heureusement, la plupart des librairies proposent un service de livraison : l’occasion de soutenir les librairies de votre ville ou village !

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