La Suisse déborde d’artistes talentueux qui ne sont malheureusement pas assez présentés. Certains parviennent à s’exporter et à séduire un public de l’autre côté de la planète.
L’artiste, auteur-compositeur-interprète, Chris Maldah, dont la musique a réussi à traverser l’Atlantique, nous dévoile son parcours attypique de musicien passionné.
Socialize Magazine | Quel a été ton parcours musical ?
Chris Maldah | J’ai commencé à l’âge de neuf ans à faire du solfège. Ensuite, j’ai fait quatre ans de trompette. A treize-quatorze ans, je me suis mis à jouer de la guitare en autodidacte en écoutant des chansons de Led Zeppelin. Depuis, j’ai continué à progresser dans ma façon de jouer, j’écoutais beaucoup de musique, donc je me calquais dessus. C’est de cette manière que j’ai tout appris. Je suis un fan de musique depuis tout-petit grâce à mon père. C’était un grand consommateur, il en écoutait énormément, mais il n’était pas vraiment musicien. Il jouait un peu de guitare. Je crois même qu’il faisait un peu d’accordéon quand il était très jeune. Par contre, il m’a fait connaître de nombreux groupes des 70’s que j’écoute encore aujourd’hui, en passant de David Bowie à Janis Joplin.
« Latitude 46 » est ton quatrième album sorti début 2017, enregistré avec une équipe extraordinaire de musiciens au Canada, comment est-ce arrivé ?
C’était un facteur chance. Il y a deux ans, j’ai joué, en Valais, en première partie d’un artiste québécois qui s’appelle Hugo Lapointe. J’ai rencontré ses musiciens qui m’ont convaincu de partir enregistrer avec eux au Québec. J’ai donc suivi cette étoile qui était au-dessus de ma tête à ce moment-là. Cette chance est arrivée grâce à Denis Coulombe, qui était le guitariste d’Hugo Lapointe justement et qui est devenu mon réalisateur. C’est lui qui a réuni toute l’équipe de musiciens extraordinaires comme tu dis, et qui m’a permis de concevoir ce nouvel album « Latitude 46 ».
Quatre ans entre l’enregistrement de ton EP « Comme avant » et la sortie de ton dernier album… Tu as toujours fait de la scène, mais pour quelle raison n’es-tu pas retourné en studio avant ?
Honnêtement, je me suis posé la question : est-ce que je vais refaire un album ? Et puis finalement, la vie m’a ouvert cette porte au Québec. Mais je crois que j’étais plutôt dans l’état d’esprit d’une certaine reconstruction dans ma vie privée pendant ces années de battement et j’avais d’autres choses à penser à ce moment-là. « Latitude 46 » parle énormément de ces quelques années de transition. Donc finalement, les planètes se sont bien alignées et c’était un retour gagnant en ce qui me concerne.
Tu as certains textes qui abordent des sujets sensibles comme la pauvreté, la perte d’un enfant, d’un parent ou encore le suicide, texte que Nicolas Lang t’a écrit. Quels messages désires-tu faire passer ?
Ce sont des thèmes qui sont tirés de la vie de tous les jours, parce qu’on est de passage sur cette terre et on est tous différents. On a tous des vies différentes, mais parfois il y a des regroupements entre certaines personnes et dans ces regroupements-là, il y a des sujets qui sortent. Quand Nicolas Lang a abordé le thème du suicide, son magnifique texte m’a tout de suite parlé. J’ai été bouleversé. C’était un peu osé d’en faire une chanson. Je crois que je ne me suis pas posé plus de questions. Je me suis dit que ce titre avait sa place sur l’album. C’est malheureusement de plus en plus récurrent je pense. C’est un sujet de société grave, on n’en parle pas assez.
Il y a d’autres sujets comme celui de la perte d’un fils, tiré d’une histoire vraie de quelqu’un que je connais personnellement. J’ai été touché tout simplement parce que je reste un être humain avec un coeur et la souffrance des autres, même si elle ne vous appartient pas, elle est là et je pense que perdre un enfant est la chose la plus abominable qui puisse exister.
Mais j’ai des chansons plus gaies aussi (rires) ! Il y a quand même une chanson qui s’appelle « Près de toi » qui est assez révélatrice d’une nouvelle vie qui commence avec une nouvelle personne autour de soi, peut-être une nouvelle histoire d’amour. Ce sont des petits bouts de vie comme celui-ci que je raconte sur cet album tout simplement.

Est-ce que tu as une méthode habituelle quand tu écris, paroles puis musique ou le contraire, ou alors les deux en même temps ?
Au début, j’avais plutôt des mélodies qui arrivaient et j’écrivais le texte après. Maintenant, je pars dans tous les sens, il n’y a plus de ligne de conduite, je ne m’en donne plus d’ailleurs. Parce que tous les sujets qui me touchent, j’essaie de les aborder en chanson. Certains sont plus compliqués que d’autres, comme on l’a dit avant. Par contre, je me rappelle de chaque instant où j’ai écrit le texte ou la mélodie, dans quelle situation j’étais, qu’elle soit psychologique ou géographique. Ce sont des instantanés de vie. Mon cerveau doit probablement constituer des petites cases, un peu comme quand on regarde des photos du passé.
Tu écoutes quoi comme musique ? Quel a été ton dernier coup de coeur ?
J’ai adoré « Half Moon Run », un groupe canadien qui fait de la pop/electro/folk on va dire. J’aime beaucoup leur univers musical. Mais par contre, je replonge très souvent dans mes racines. J’ai beaucoup écouté David Bowie et encore aujourd’hui, pour moi, c’est un artiste qui a été une révélation et une source d’inspiration incroyable, qu’elle soit spirituelle ou musicale, parce que c’était un personnage qui a fait vivre d’une manière intense des personnalités. Il avait des rôles dans la société. Au-delà du fait que c’était un excellent musicien et très bon compositeur, j’ai également été absorbé et très contemplatif de son personnage.
Sinon, j’aime bien écouter les éternels Barclay James Harvest ou Pink Floyd. Je reviens sur des standards forts qui ne sont pas toujours une source d’inspiration musicale pour moi, mais une source de détente. Je crois que les albums de Pink Floyd que j’écouterai toujours en boucle resteront « The Wall » et « Dark Side Of The Moon ». Je me nourris de ces groupes qui ont fait la part belle des années 70 et qui me rappellent évidemment aussi mon père.
Et au niveau de la chanson français ?
Je vais peut-être te surprendre, mais je suis un grand fan de Serge Lama. J’aime la chanson française, ce qu’elle apporte. Je pense qu’elle est de moins en moins présente dans les médias et c’est dommage, parce qu’on peut chanter en français et composer une musique qui n’a rien à voir avec la culture française. J’apprécie beaucoup « Feu ! Chatterton », un des groupes émergents de ces dernières années en France. Et sinon, Baschung. Il m’a fait comprendre beaucoup de choses dans l’interprétation.
Quelles passions rythment ton quotidien, mise à part la musique ?
J’ai plein de passion ! La VIE est une passion ! C’est très important pour moi ! J’aime le sport, j’aime courir, faire du vélo, me faire du bien. J’adore la montagne, je passe mes étés à crapahuter sur les sommets. Donc le sport… et la cuisine ! J’adore cuisiner. Je suis très épicurien. J’aime faire plaisir en cuisinant pour les autres. Parfois, je teste des recettes que j’invente complètement comme quand je fais de la musique. J’invite mes amis pour leur faire goûter mes créations et c’est quitte ou double, un peu comme la roulette russe. Je n’ai encore jamais empoisonné personne, donc pour l’instant, tout se passe bien et on me dit que je me débrouille pas trop mal.
Quand on t’écoute en concert acoustique, tu enflammes les bars pendant des heures avec tes compos, des reprises, des délires reggae, tu es plutôt imprévisible. Alors qu’en version rock sur scène avec tes musiciens, tu envoies du gros son et tu es beaucoup plus « sérieux ». Est-ce que tu arrives à expliquer ces deux facettes qui t’habitent ?
Bien sûr ! J’ai commencé ma carrière avec une guitare en main et ma voix, c’est tout. Quand j’étais à Genève à l’époque, j’écumais les bars irlandais, les pubs… Et où je chantais, les gens qui picolaient devant s’en fichaient complètement. Mais ce fut un apprentissage fulgurant et c’est resté en moi. Aujourd’hui, quand je prends ma guitare, je vais chercher les gens et je pense les emmener dans des endroits où ils ne m’attendent pas. Je dirais que c’est la liberté de pouvoir s’exprimer comme on veut.
Quand je suis en groupe, c’est plus compliqué, parce qu’on est plusieurs. C’est comme dans un couple, il faut toujours faire attention de préserver cette union et de tenir compte de l’avis de l’autre.
Un souvenir musical marquant qui restera à jamais gravé en toi ?
Ma rencontre avec Alain Baschung, qui a été la plus belle de ma vie. C’est un artiste que j’ai toujours admiré. J’ai eu la chance de le rencontrer en Belgique, il y a une douzaine d’années, dans les studios d’ICP où il était en train de faire la post-production de son album « Imprudence ». Je suis resté deux heures en tête-à-tête avec lui au bar du studio. Au-delà du musicien et de sa carrière, la personne est extraordinaire. Quand il est décédé, j’ai été littéralement perturbé.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter de meilleur aujourd’hui ?
J’espère pouvoir rester comme je suis et que la vie continue à me donner cette chance d’être en bonne santé pour pouvoir faire de la musique le plus longtemps possible en parcourant un maximum de kilomètres.
Pour terminer, quel est ton scoop musical que tout le monde attend et que l’on se réjouit de partager à nos lecteurs ?
Je vais partir au Canada du 1er au 5 novembre dans le cadre de la FrancoFête en Acadie pour présenter mon album en vitrine et tenter d’intéresser des bookers de spectacles au Québec. C’est un festival très réputé et j’ai la chance de pouvoir partir vivre cette grande aventure avec une petite équipe dont Eric Grosjean de la RTS que je remercie de m’avoir permis d’y participer. On est cinq Européens à y aller et je suis le seul Suisse parmi quatre Français. C’est pour moi une grande première et j’ai l’impression que je serai un peu l’intrus. En tous cas, je me réjouis de revenir pour en parler et j’espère que l’année prochaine, je pourrai faire une tournée au Québec.
J’ai également un clip qui vient de sortir « L’instant d’une vie ». J’ai vraiment hâte de le partager avec vous !