Dans ce septième choc jurassique, Gareth Edwards exhume la franchise pour lui offrir un lustre rétro qui se craquelle dès qu’on cherche du frisson sauriens.
Entre triomphe d’acteurs charismatiques et scénario téléguidé, le film hésite entre remake affectueux et produit de commande – jusqu’à rappeler que la Renaissance peut aussi rimer avec musée de cire.
Assis dans la salle climatisée d’un multiplexe un soir de canicule, j’ai senti la même montée d’adrénaline que lors de la projection de Jurassic Park en 1993 : battements de cœur au premier rugissement, main crispée sur le siège quand la porte du paddock s’ouvre. Pourtant, à peine la première demi-heure passée, ce frisson s’est émoussé : les dinos sont parcimonieux, l’intrigue fluide comme un rail de montagnes russes dont on devine chaque virage. Ma jubilation s’est alors muée en regard critique : que vaut Jurassic World Renaissance au-delà du simple plaisir de la résurrection ?
Une “renaissance” programmée
Annoncé comme un nouveau départ, le film sort le 2 juillet 2025 sous la houlette de Gareth Edwards, épaulé par le vétéran David Koepp au scénario. Universal vend l’affaire comme un « stand-alone » : sept ans après Dominion, des expéditions traquent l’ADN des derniers spécimens réfugiés sur l’île Saint-Hubert, au large de la Guyane française. Sur le papier, un parfum de série B tropicale et la promesse d’un retour à la simplicité. Sur l’écran, toutefois, l’élan se grippe : le film préfère empiler les motifs connus (entreprise cupide, hybride surpuissant, équipe commando) plutôt que réinventer la formule.
Koepp livre un canevas lisible, peut-être trop. Guidé par un GPS narratif visible à dix kilomètres, le spectateur coche les étapes avant qu’elles n’arrivent : trahison interne, dinosaure vedette qui s’échappe, rescousse in extremis. Les facilités se multiplient jusqu’au comique involontaire – la “petite famille Delgado” échouée sur l’île en est l’exemple parfait : ramener un noyau familial pour injecter de l’émotion, puis l’oublier quand surgit le grand carnivore. Résultat : la tension se délite, le plaisir de la découverte aussi.
Edwards, dont l’art du gigantisme The Creator avait surpris, choisit ici la retenue. Le découpage alterne plans serrés et cadres naturalistes brumeux, privilégiant la suggestion aux chorégraphies spectaculaires. Beau concept ; dommage qu’il serve surtout à masquer une présence dinosaurienne minimale. Quelques éclats – l’attaque sous-marine du Mosasaurus, une embuscade nocturne dans la canopée – prouvent son sens du rythme. Mais le film manque de séquences-totems : à force de gérer parcimonieusement ses bêtes, il frustre les aficionados venus “pour voir des dinos”. Spielberg, producteur exécutif attentif, aurait soufflé à Edwards de « laisser le public ressortir avec un peu faim ». On ressort plutôt en sous-alimentation.
Un trio d’acteurs qui rugit n’évite pas les grains de sable dans l’engrenage
La vraie chair fraîche, ce sont eux! Scarlett Johansson, en ex-agent Zora Bennett, fait converger vulnérabilité et hardiesse, évoquant une Ellen Ripley azurée ou une sorte de Lara Croft (Tomb Raider) 2.0. Jonathan Bailey, paléontologue idéaliste, ajoute un humour pince-sans-rire salutaire et enfin, Mahershala Ali, capitaine taciturne, déploie une autorité tranquille qui rappelle les grandes figures de survival. Leurs interactions confèrent un supplément d’âme à des dialogues parfois fonctionnels. Chaque apparition du trio semble électriser la salle – signe que le casting transcende l’écriture.
Hélas, le film s’encombre de strates narratives inutiles : la famille naufragée, le financier véreux (Rupert Friend), les mercenaires interchangeables. Leur empilement ralentit le récit au lieu d’enrichir le thème “l’homme face au vivant”. On soupçonne un montage raccourci ; les fils pendants trahissent une post-production agitée dont Edwards n’a pas (tout à fait) gardé le contrôle.
Visuellement, l’île capture une moiteur pré-cambrienne : fougères géantes, brumes équatoriales, roches basaltiques. Le chef-op Tom Stern joue la carte naturaliste, moins “parc d’attraction” que Apocalypse Now jurassique. Alexandre Desplat signe une partition orchestrale élégante, citant à l’occasion les cuivres majestueux de John Williams avant de s’aventurer vers des pulsations synthétiques. Dommage que le montage sonore étouffe parfois ses crescendos ; on rêve d’un thème fort, immédiatement mémorisable.
Thèmes fossilisés : éthique, clonage et capitalisme vert-pâle
Le script effleure des questions passionnantes – biotechnologies pharmaceutiques, réchauffement climatique forçant les dinos près de l’équateur – sans jamais les creuser. Comme si l’industrie pop-corn craignait que la réflexion freine les tours de manège. Hollywood, rappelle The Guardian, carbure aux “reboots-karaoké” ; Edwards lui-même assume l’hommage à Spielberg. On aurait aimé qu’il ose un remix, pas une simple cover.
Jurassic World Renaissance promettait la régénération ; il livre un patch nostalgique, divertissant mais anémique en adrénaline. On y trouve assez de charme – la mise en scène élégante, la grâce de Johansson, le charisme de Mahershala Ali – pour justifier une sortie entre amis. On y cherche en vain la sidération viscérale d’un Jurassic Park.
Jurassic World : Renaissance, sortie au cinéma le 2 juillet 2025
Cinq ans après JURASSIC WORLD : LE MONDE D’APRÈS, l’environnement de la planète s’est révélé hostile pour la plupart des dinosaures. Ceux qui subsistent vivent dans des environnements équatoriaux isolés dont les climats sont proches de ceux dans lesquels ils s’épanouissaient autrefois. Parmi les créatures les plus monstrueuses de cette biosphère tropicale, trois spécimens sont la clé d’un remède miraculeux qui pourrait bien sauver l’humanité.
Trio Johansson-Bailey-Ali, alchimie indéniable
2-3 set-pieces tendues (séquence nautique, couloir souterrain)
Photographie tropicale immersive
Musique de Desplat
Dinosaures sous-exploités, frustration grandissante
Scénario prévisible, facilités en cascade
Personnages secondaires décoratifs, sous-intrigues digressives

Cinéma. Actus. Séries. Vous.