La Suisse déborde d’artistes talentueux qui ne sont malheureusement pas assez présentés. Certains parviennent à s’exporter et à séduire un public de l’autre côté de la planète.
Le duo électro-pop « Sophie de Quay », composé de Sophie Loretan et Simon Jaccard dont la musique résonne dans plusieurs pays, nous dévoile son parcours de musiciens passionnés.
Socialize Magazine | Expliquez-nous un peu le parcours du duo « Sophie de Quay » ?
Sophie | En février 2016, j’étais engagée pour jouer à l’événement caritatif « La Nuit des Neiges » à Crans-Montana et je cherchais un musicien pour m’accompagner. J’ai demandé à Raphaël Nanchen, qui était le manager de Bastian Baker à l’époque et qui vient de la même région que moi en Valais, s’il avait un musicien à me recommander. Il m’a répondu sans hésiter « Simon Jaccard », qui a tout de suite accepté. En descendant de scène, et je pense qu’il n’y a pas de hasard, l’Ambassadeur de Suisse au Liban qui était dans la salle est venu nous proposer une tournée là-bas.
Simon | Ce premier concert, c’était quatre chansons seulement et on avait juste répété deux fois. On s’est dit qu’on verrait bien ce que ça allait donner, mais y’a eu une magie comme rarement lors de ce concert. Tu sais, quand y’a un vrai truc qui se passe. D’ailleurs, en descendant de scène, complètement subjugué par ce qui venait de se passer, j’ai dit à Sophie « Il faut qu’on monte un projet ensemble ». Donc quand j’ai appris qu’il y avait cette tournée au Liban, j’ai tout de suite dit « GO ! ».
Sophie | La synchronicité a joué un grand rôle parce que par chance, Simon venait de terminer sa tournée avec Bastian Baker. C’était juste incroyable.
Simon | On a eu notre premier concert en tant que groupe officiel, à Paris en septembre 2016. Cet événement a ancré une caractéristique du groupe parce qu’on voulait voyager, jouer à l’étranger. Donc on a commencé là-bas puis on est parti en tournée en co-plateau avec un de mes anciens groupes. Et là, on s’est dit qu’il fallait absolument enregistrer pour avoir un support et laisser une trace de cette tournée suisso-franco-belge.
Sophie | On a donc très vite enregistré notre premier EP en février 2017.
Simon | Ensuite, on a enchaîné les tournées en écrivant beaucoup sur la route. Les voyages et les rencontres nous ont énormément inspirés. Et tout ce que tu vis sur le moment, c’est tellement fort que t’as envie de le transmettre dans tes chansons. D’ailleurs notre premier album « Drop the Mask », sorti en 2018, a souvent été nommé « l’album du voyage » par la presse suisse. On était très honoré. Grâce à cet album, on a pu faire près de 200 concerts dans 12 pays jusqu’à l’arrêt dû au covid…
Socialize Magazine | Sophie vient principalement de la comédie musicale et Simon du métal, comment vous êtes arrivés à l’électro-pop ?
Sophie | Oui, j’ai vécu à New York de mes 12 à 16 ans et là j’ai fait beaucoup de comédie musicale. J’ai aussi été soliste dans un chœur gospel. De la comédie musicale, je pense qu’il reste le côté jazzy, un peu soul de ma voix et l’interprétation. On a aussi intégré le français dans le groupe parce que la musique française est une grande influence depuis mon enfance. Simon n’avait jamais écrit dans cette langue avant. Ce style (pop electro) avec des textes en français n’était pas tellement exploité en Suisse quand on a commencé il y a quatre ans.
Simon | Je pense qu’on n’est pas uniquement ce qu’on fait. J’ai commencé dans le métal, mais en tant que musicien de session, j’ai joué dans plein de groupes de plein de styles différents et j’ai étudié le jazz, donc rien à voir avec ce qu’on fait maintenant. On s’est lancé dans ce style-là parce que c’est une musique qui nous parle aux deux. On peut vraiment mettre en avant nos textes et nos voix. Au travers de notre histoire, j’ai découvert la production musicale. J’aime cet univers de synthétiseurs, de machines, de DAW (application informatique). C’est génial de pouvoir être vraiment indépendant. Notre musique, c’est nous de A à Z. On n’est pas obligé d’engager des musiciens pour leur dire comment on veut que ça sonne. C’est un exercice difficile et au final tu te retrouves avec les influences des autres musiciens pour faire sonner ta musique à toi, ça perd un peu de ton identité. Pour moi, c’est que dans l’électro-pop qu’on arrive à ce résultat parce qu’on a la maîtrise totale du projet du début à la fin.
Sophie | Simon a appris la production musicale avec des tutoriels sur Youtube. C’est un vrai geek et un perfectionniste qui va toujours aller jusqu’au bout de ce qu’il entend. Il a une oreille incroyable et rêve les chansons sur lesquelles on est en train de travailler. Si on a un texte et une mélodie, il va rêver l’arrangement. Donc le lendemain, je vais plus le voir pendant 10 heures durant lesquelles il va reproduire en détail ce qu’il entend dans sa tête.
Socialize Magazine | A 3, vous répondez les deux en même temps sans attendre la réponse de l’autre : Le mot pour décrire le lien qui vous unit tous les deux ?
1 – 2 – 3 ;
Simon | Coup de foudre.
Sophie | Changement (de vie). J’étais à l’école hôtelière. Je rêvais de faire de la musique mais je n’avais pas assez confiance en moi pour me lancer. Alors quand un musicien comme Simon, qui faisait des tournées à travers le monde, m’a proposé de monter un projet, ça m’a donné la légitimité d’envisager ce choix de vie.
Sophie & Simon | Osmose. On peut dire osmose pour nous caractériser.
Sophie | Dans la vie comme sur la scène.
Simon | Le premier coup de foudre était musical. On a développé une belle amitié, puis le coup de foudre amoureux est venu comme une évidence. Il fallait qu’on soit ensemble et qu’on écrive notre vie ensemble. Donc ça a été un enchaînement de coups de foudre.
Socialize Magazine | Votre deuxième album, qui sortira cet été, a été enregistré à Paris avec Benjamin Constant. Comment est-ce arrivé ?
Sophie | J’ai eu la chance de rencontrer Patrick Bruel il y a 8 ans. Il a eu un coup de cœur pour notre album « Drop the Mask ». Il m’a invitée à chanter un duo avec lui sur la scène du Caribana et nous a invités à tous ses concerts en Suisse. On a eu l’occasion de rencontrer ses musiciens, notamment Benjamin. En janvier 2019, on est allé à Paris pendant un mois pour commencer à travailler sur le 2e album et on lui a demandé s’il était d’accord d’écouter les maquettes. Il a eu un coup de cœur pour notre travail et malgré son emploi du temps très chargé, il nous a dit qu’il serait heureux de collaborer avec nous. En juillet 2020, on était dans son studio à Paris pour enregistrer les voix.
Simon | On voulait un avis extérieur. On a enregistré la musique entre nous parce qu’on voulait que ça nous corresponde à 100%. Mais à force de travailler les morceaux intensivement, tu perds un petit peu ton objectivité. C’était important d’avoir une oreille fine et affutée pour nous guider.
Sophie | On avait besoin de sortir de notre zone de confort. On voulait quelqu’un qui ne soit pas impliqué émotionnellement dans le projet, avec un regard objectif.
Socialize Magazine | Très actifs sur les réseaux sociaux, on peut vous suivre parfois en direct, comment décririez-vous la relation que vous avez avec votre audience ?
Sophie | Très proche. Pendant le premier confinement, c’était très important pour nous de ne pas couper les liens avec notre public même si on ne pouvait pas faire de concert. Grâce aux réseaux sociaux, on a trouvé un moyen de continuer à faire exister Sophie de Quay différemment en proposant des lives Instagram tous les soirs avec des partages d’écran avec des artistes suisses à faire découvrir à notre public. Ça nous a permis de développer notre fan base et créer une relation plus intime avec notre public. On leur donnait de l’énergie et de l’espoir avec nos chansons et eux nous le rendaient par leur présence à chaque live pendant 3 mois, leurs messages, leurs lettres, leur soutien. Ils ont donné un sens à notre métier durant cette période où la culture est considérée comme « non-essentielle »… C’était un moment hors du temps. Nos fans ont aussi créé une relation entre eux et on est devenu une communauté.
Simon | On est vraiment hyper-complémentaire Sophie et moi parce qu’elle travaille très bien via les réseaux sociaux. J’ai vraiment de chance parce que je suis moins doué sur ce plan-là. Ça me laisse aussi beaucoup plus de temps pour travailler les productions musicales, les clips et les concerts.
Socialize Magazine | Simon, tu dis souvent que Sophie est une marmite à idées que vous concrétisez très rapidement en projets ensemble et avec brio, mais est-ce que tu dois la canaliser parfois, lui dire que « ça ne va pas le faire » ou remettre à plus tard ?
Simon | Ça m’arrive parce que des idées sortent de sa tête à longueur de journée, parfois 10, parfois 20. Donc même si on les réalise ensemble, ces projets ont souvent une grande ampleur, du coup je suis obligé de la freiner de temps en temps. Mais ça me rassure aussi, parce que je sais que ça ne s’arrêtera pas.
Socialize Magazine | Simon se met de plus en plus à chanter dans votre duo, pour le plaisir de nos oreilles, mais est-ce qu’on peut imaginer que Sophie jouera un instrument sur quelques titres à l’avenir ?
Sophie | Quelques percussions ou notes sur un clavier sur certains morceaux quand on pourra présenter notre deuxième album sur scène, mais ça ne sera jamais mon rôle principal. Je ne me prétends pas musicienne. Pour moi la voix, c’est mon moyen de communiquer avec le public, j’ai besoin de rebondir sur les réactions des gens et surtout leur raconter des histoires.
Simon | Pour moi c’est très important que Sophie tienne le public en live avec sa voix et sa présence, parce qu’elle est très forte pour ça. On veut un lien direct avec le public, parler aux gens et les regarder en chantant. Donc ça n’exclut pas quelques petites interventions musicales, mais pas pendant tout le concert.
Socialize Magazine | Quelles passions rythment votre quotidien, mise à part la musique ?
Sophie | Les voyages qui me manquent énormément. La rencontre de l’autre, d’une culture, d’une religion, d’un nouveau plat… La lecture aussi, les deux, on lit tous les jours. Et l’écriture pour moi, pas que des chansons, mais de ce que je ressens, mes pensées sur le monde, une sorte de journal intime.
Simon | J’ai accès à certaines choses, mais pas tout.
Sophie | Oui c’est vrai, d’ailleurs, je lui ai dit que c’était une cause de rupture s’il me lisait. Je dis ça à moitié en rigolant. J’adore écrire depuis toute petite même avant de savoir écrire, je recopiais des lettres. En voyage par exemple, j’ai toujours mon cahier. J’aime écrire le jour-même mes impressions du moment, des mots précis qui décrivent ce que je ressens. Quand on attend plusieurs semaines ou mois pour raconter un souvenir, c’est toujours différent. J’ai aussi commencé la méditation qui m’ancre, me fait prendre du recul et me fait beaucoup de bien.
Simon | Moi, j’ai eu une grande passion pour les jeux-vidéos mais j’ai complètement lâché ça parce que c’est un très grand plaisir mais une très grande perte de temps aussi et je ne peux pas me le permettre avec tout ce que j’ai envie d’accomplir dans ma vie. Par contre, je reste un peu connecté en suivant certains gamers sur youtube, mais comme spectateur et non plus acteur de ce milieu-là. J’adore aussi lire et regarder des films. J’ai beaucoup de passions que j’exerce avec parcimonie, parce que la musique prend une telle place que pour avancer dans ce métier, t’es obligé de la mettre devant beaucoup de choses, pas tout, mais beaucoup de choses.
Sophie | On est aussi tous les deux passionnés par le chinois. Simon prend 2h de cours par semaine depuis 2 ans maintenant. Il parle presque aussi bien que moi !
Socialize Magazine | Mise à part la reprise des concerts, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter de meilleur aujourd’hui ?
Sophie et Simon | Que dans 5 ans, on soit toujours aussi heureux d’avoir fait ce choix de vie. On vit sur des montagnes russes, mais on le fait à 100%.
Socialize Magazine | Pour terminer, quel est le scoop musical que tout le monde attend et que l’on se réjouit de partager à nos lecteurs ?
Sophie et Simon | En avril, notre invité du mois pour un duo sur un de nos titres, après Bastoun et Mané, sera : Yann Lambiel !! avec qui on interprétera notre titre « La Valse du trottoir ». En attendant, vous pouvez écouter le 2e single de notre nouvel album « Amour Amer », sorti le 26 mars dernier et disponible sur toutes les plateformes.