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Lonepsi : Le bonheur du souvenir

Lonepsi : Le bonheur du souvenir

Loup solitaire à la plume poétique, Lonepsi a un style qui s’étend au-delà des frontières du rap. De passage sous la lueur des projecteurs de La Cave du Bleu, nous sommes partis à la rencontre de ses arômes.

Qui est-il?

Lonepsi, né de parents argentins en 1994, de son vrai nom Lindo Gargiulo, est un artiste français et étudiant en psychologie vivant à Paris.

Il tombe dans le rap au lycée. A cette époque il y avait des rap contenders : émissions diffusées sur Youtube ou deux rappeurs s’affrontent. Par ce biais, il découvre le travail d’écriture de Nekfeu qui le surprend et l’inspire. Avec quelques potes, ils décident de reprendre le concept chez eux et se préparent à des duels à coups de notes sur Post-it, d’improvisation, accompagnées d’une chaine Hifi et une instrumentale. Si ses potes lâchent le rap, Lonepsi continu à explorer cette empreinte avec son frère sous le nom de groupe Les Deux Demis.

La composition, l’écriture et l’interprétation naissent dans sa chambre et définissent au fil des notes son style. Maîtrisant la guitare et le piano, après un déclic, il se met à composer l’histoire de ses mélodies se connectant toujours plus à son monde intérieur, vrai et profond.

« Je vis la nuit, puis je me meurs le jour. Je m’inspire en buvant ce que je trouve »

« La nuit éclaire mes questions sans solution,
Elle et moi parlons peu car j’aime quand c’est silencieux »

Son cahier, fidèle gardien de ses mystères, voit son écriture se caractérisé par une tendance à l’introspection portée sur les sentiments et sur l’expérience, comme il le dit lui-même, avec un véritable penchant pour la poésie. Les artistes qui l’inspirent pour écrire ses textes sont à la fois les grands auteurs, comme Baudelaire (auteur dont il est passionné depuis son plus jeune âge), Victor Hugo, mais aussi des grands chanteurs comme Léo Ferré ou Jacques Brel. Un grand-écart culturel plus tard, il évoque également Brent Faiyaz, Jazzy Bass, Joey Badass, Eminem, Booba, Chopin, Espiiem, Bon Gamin, pour n’en cité que certains.

Le jeune Lonepsi n’est pas un habitué des projecteurs, mais plutôt l’artiste que tu découvres par hasard en naviguant tranquillement sur internet. Et là, tu prends le temps de l’écouter ! ses mots mélancoliques se posent délicatement sur son flow crépusculaire et s’allient parfaitement aux instrumentales aériennes. Si son point fort n’est pas de faire remuer les foules il peut tout de même se targuer d’avoir créé un univers à lui sans chercher à suivre une tendance.

Poussé devant les projecteurs par son entourage, il se questionne incessamment sur la voie à emprunter quant à une carrière possible. N’ayant pas l’impression de savoir chanter, il choisit le rap, peut-être par défaut, mais chaque pas le rapproche un peu plus du chant. Sensible au regard de son public, il aime percevoir la manière dont sa musique touche.

C’est lors de l’émission de radio Planète Rap de Georgio (2015) qu’il sort de l’anonymat. Sopico, ami proche et invité de Georgio dans son émission, tenait à ce que Lonpesi intervienne pendant ce Planète Rap. Enfin sous les projecteurs !

Le temps passant, Lonepsi arrive à concilier rime et sens mettant sur un piédestal, son amour des mots, la dimension humaine et sa complexité. Fasciné par la manière dont les bouquins arrivent à raconter leurs idées, leurs histoires, il s’attèle à peser et poser ses mots, en transparence, tel un filigrane se dévoilant à la vitesse de la lueur de l’aube. Sublimés à chaque note, les mots teintés du rayonnement lunaire, laissent naître une soudaine envie de se plonger dans les abysses de la nuit avec désinvolture. L’inspiration nocturne saisie dans son labo de nuit (sa chambre), au milieu des limbes de l’obscurité, lui a permis d’extraire l’écriture de ses pensées.

« C’est lorsque que la nuit tombe que je tombe amoureux
Elle atténue mes peines, sa couleur est savoureuse 

J’avoue je perds tous mes moyens quand elle me parle de sa douleur faite avec sa voix douteuse »

Devant le succès de son premier album « Les premiers sons du reste de ma vie », lâché au mois de mai 2017, Lonepsi continue de séduire et s’impose toujours un peu plus dans l’univers musical. Déchiré entre les études (Master de psychologie) et la musique, la frustration de ne pas pouvoir créer suffisamment, il fait le choix provisoire de prendre une année d’entracte et remplis des salles avec des concerts qui s’affichent complets.

« Mon regard dans les étoiles lentement se noie
J’aimerais y plonger pour dilater le temps
J’ai dans ma collection de souvenirs une image de toi
Ce soir-là tes pupilles brillaient faiblement »

Janvier 2018, ce Francilien de 23 ans, nous présente « Sans Dire Adieu ». Guidés au cœur de ses souvenirs, émotions, dont il n’a pas accepté le départ, le projet s’ouvre sur une introduction inspirée d’un poème de Baudelaire « Le chien et le flacon » (Petits Poèmes en Prose).

Petit poème en prose se rapprochant d’une fable burlesque, « Le chien et le flacon » met en scène le récit d’un maitre qui propose à son chien de renifler un parfum du meilleur parfumeur de la ville mais le chien n’est pas conquis. Le maitre déclare alors que ce misérable chien aurait préféré un paquet d’excréments. Le décalage entre la répugnance du chien face au parfum et son goût pour les excréments parabole le peuple qui préfère ce qui est simple mais mauvais à ce qui est beau est recherché car plus facile à appréhender ; le parfumeur symbolise l’artiste en recherche constante de la beauté de la perfection.

Par cette introduction, Lonepsi désire faire un pas de côté et parie sur la capacité de son public à décrypter son parfum et y déceler ses arômes.

Le parfum! Trouver l’accord parfait est un art complexe. Pour le maitriser, il faut marier les harmonies subtilement afin de mettre en valeur toute sa sensibilité. Chacun en fera sa propre lecture, influencé par sa mémoire, laissant ressurgir des sensations lointaines emmagasinées dans un petit coin de son cerveau. On peut oublier un visage, mais l’odeur reste dans le cerveau pendant des années.

Voilà qui définit parfaitement la musique de Lonepsi. Il s’apaise à trouver l’accord parfait pour éveiller nos sens et provoquer une immersion dans les émotions enfouies. Un parfum élaboré avec des éléments qui subsistent plus ou moins longtemps, légers, volatiles, subtiles et intenses, dont l’odeur évolue au rythme des gammes symphoniques et nous invite à un voyager dans le temps.Chaque note, chaque mot, chaque silence est pensé à cet effet.

Le concert

La Cave du Bleu, située au sous-sol du Bleu Lézard, propose aux lausannois depuis 1994 une scène underground riche et variée au travers d’une programmation ouverte à toutes les tendances. Le lieu idéal pour rencontrer des artistes sur le point d’exploser tels que Lonepsi dans une atmosphère mystérieuse et tamisée. Nul besoin de réflexion, on y sera !

En ce mercredi 15 février 2018, on s’apprête à vivre une soirée onirique, mais ça, on ne le sait pas encore.

Arrimés au mur, non loin de la scène, on peut voir la salle qui se remplit gentiment. L’attente permet de s’imprégner de l’atmosphère. Le public, majoritairement féminin, resplendit de jeunesse et leur présence respire l’insouciance raisonnable. Les jeunes hommes présents dans la salle n’ont pas peur d’assumer leur sensibilité, et il faut dire que cela les rend plutôt charmants. Le climat paisible qui règne dans le lieu laisse présager un moment de communion, et cette impression ne vas pas tarder à se confirmer.

Lorsque Lonepsi traverse la foule pour fouler la scène, on ressent aussitôt cette gêne mêlée d’adrénaline des premiers concerts, impression qu’il ne tarde pas témoigner avec quelques mots. Il explique sa volonté de ne pas se contraindre dans le choix ou l’ordre des morceaux qu’il va proposer, et laisse ainsi transparaitre son besoin d’être congruent, de rester connecter à ses émotions, pour ne pas basculer dans le calcul.

Il ouvre le concert sur son introduction « Le chien et le flacon ». Le piano délicat chante « Aquarium » et rend le titre plus langoureux que sa version originale tandis que les beats cognés lui confèrent de la profondeur. Il enchaine avec « Capitaine », puis, avec son morceau emblématique « Le Loup des Steppes » à travers lequel il évoque son besoin de solitude. Et là, à ce moment précis, le public sort de son mutisme pour l’accompagner. L’assistance exprime son affection et l’auteur s’en nourrit prenant conscience de l’impact de son œuvre.

« Si j’avais un cœur », « Inexprimable », « Libre », « Lettre à nuit », « La signification du verbe oublier », « Un type incroyable », « La fille du Bus ». Les instrumentales profondément légères, et les moments ou seules les notes du piano résonnent, nous plongent dans une bulle ou plus grand chose n’a d’importance. Même face à la foule, on perçoit le jeune parisien dans une démarche introspective volontaire dans le but de mieux partager.

Et tandis que l’auditoire, attentif, s’entretient avec ses confidences, l’artiste mesure le poids des mots et bâtit finement une passerelle entre lui et le public qui permet d’accéder à une expérience sensorielle étonnament déroutante.

Plongés dans un rêve lucide, absorbés par les mots, une solitude salutaire nous envahit. Les mots étouffés, contenus, comme pour mieux envelopper leur intensité, nous escortent du statut de spectateur à celui d’acteur. On réalise alors que c’est notre histoire qui se joue. La profondeur des maux s’accorde avec l’incommensurable gouffre qui réside en chacun de nous laissant remonter à la surface des sentiments oubliés, des souvenirs précieux.

« Le temps d’un instant », parfum enivrant, crée un résonnance particulière. Le public, si jeune, ressent-il toute l’ampleur de son spectre ? Dans notre esprit se crée un parallèle entre les questionnements qui surviennent au cours du chemin menant à l’âge adulte et leurs influence sur notre destinée, nos choix. Un certain recul est essentiel pour en de prendre pleinement conscience et ressentir leur réel impact et l’importance de cette période d’insouciance. L’insouciance, sentiment lointain dans lequel on se replonge avec nostalgie, si propice à la mélancolie qui inspire nos vies.

« Et l’autre jour, allongé dans un parc, je contemplais l’immobilité des nuages
C’était tellement prenant que, pendant un moment, j’ai oublié de vivre
J’ai oublié de vivre, comme quand j’étais petit
Quand je n’me souciais pas de c’que j’allais devenir
J’ai oublié de vivre »


Lonepsi à bien raison de ne pas sous-estimer son public. Il possède les capacités nécessaires pour extraire l’essence du parfum qu’il propose.

Sa pudeur chaleureuse, le murmure de son flow et son spleen parisien ont réussi à nous faire basculer dans une dimension chimérique. Sûrement le plus beau cadeau qu’un artiste puisse faire à son public.

Le concert touche à sa fin. La tension encore palpable semble cristalliser l’instant. L’impression qu’il lui est difficile d’abandonner la scène. La sincérité qu’il dégage a fini par avoir raison de nos esprits. A sa merci, on aimerait contempler les tourbillons de son âme, parler avec l’architecte de ses pensées.

Quelques instants son nécessaires pour accorder nos pensées à la réalité. Il est à l’extérieur et échange avec son public. On a envie d’aller à sa rencontre, le remercier d’avoir éveillé des sentiments lointains, l’encourager. Pourtant… on a préféré partir, partir sans dire adieu, emportant avec nous la magie du moment avant qu’elle ne s’évapore dans une faille temporelle.

« Le souvenir, c’est la présence invisible. »
Victor Hugo

Vous pensez qu’on a perdu tout sens critique ?

Pour en avoir le cœur net, vous pourrez tester son pourvoir hypnotique le 21 juillet lors de la 43ème édition du Paléo Festival Nyon.

 

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