A quelques heures du premier match de la Suisse lors de l’Euro2016, nous avons rencontré Michel Pont lors de sa conférence pour le réseau des Dirigeants et Cadres d’Entreprises (DCE) « concilier leadership et esprit d’équipe ».
Genevois et fier de l’être, joueur professionnel de football, puis entraîneur de plusieurs clubs, Michel Pont fut entraîneur adjoint de l’équipe nationale suisse de 2001 aux côtés de Köbi Kuhn, puis d’Ottmar Hitzfeld, jusqu’à la Coupe du Monde 2014. Rencontre avec une personne sincère et authentique.
Socialize Magazine | Michel Pont, vous avez été entraîneur adjoint en équipe nationale Suisse de football pendant treize ans. Quel est votre quotidien aujourd’hui ?
Michel Pont | Aujourd’hui, je continue à suivre le football de près parce que c’est ma passion avant tout. A la fin de mon contrat avec l’Association Suisse de Football, après la Coupe du Monde 2014, il m’a fallu du temps pour m’en remettre. J’ai tout de même passé 13 ans de ma vie avec la première équipe (ndlr : en tant qu’entraîneur adjoint de Köbi Kuhn puis d’Ottmar Hitzfeld). Puis, j’ai reçu des invitations pour entraîner des clubs de football en Suisse mais je ne me sentais pas à 120% pour pouvoir en prendre les rênes. Il me faut encore du temps pour me sentir prêt pour un nouveau défi. En attendant, je donne des conférences auprès des PME suisses et suis consultant pour certaines marques. Je serai notamment en France, durant l’Euro 2016, pour une marque horlogère prestigieuse en tant que spécialiste football et leur ferai la présentation et l’analyse de quelques matchs que nous suivrons en loge avec quelques invités et clients prestigieux. Vous pourrez également me retrouver sur la RTS, en tant que consultant, pour les quarts de final, demies et la finale.
Vous n’avez donc pas envie d’entraîner une équipe, de revenir au cœur du football ?
Comme je l’ai dit, je dois vraiment me sentir à 120% pour pouvoir entraîner. Pas juste à 100% mais vraiment à 120%, je dois le sentir au plus profond de moi-même. Et puis, il y a également la réalité de la vie ; ma femme a été la femme d’un entraîneur, donc on ne s’est pas énormément vus, je n’ai pas pu être autant présent que je le souhaitais et je dois à présent faire des choix. Et puis je reste tout même très lié au football puisque je suis le conseiller du Président du Servette FC.
Vous avez côtoyé deux immenses personnalités du monde du football. Comment s’est passé la cohabitation, tout au long de ses années, avec Köbi Kuhn et Ottmar Hitzfeld ?
Ce sont deux personnes diamétralement opposées mais attachantes. Il faut savoir que Köbi Kuhn a été l’idole de mon enfance et j’ai, par la suite, eu la chance de le côtoyer lorsque j’étais entraîneur des jeunes de l’équipe suisse. D’ailleurs, pour l’anecdote, au milieu des années 90, quand je suis allé boire un coup avec Köbi, je lui avais dit sous forme de boutade que je serais son adjoint le jour où il deviendrait sélectionneur national. Et quelques années plus tard, il n’a pas oublié et m’a appelé pour me proposer le poste d’entraîneur adjoint. Cela vous pose immédiatement la personne. Quant à Ottmar Hitzfeld, j’ai été très honoré qu’il ait voulu que je fasse partie de son staff. Il faut savoir qu’il a connu les plus grands lors de son passage au Bayern Munich et le fait qu’il veuille que j’intègre son équipe était pour moi un immense honneur. Au quotidien, lors des rassemblements de l’équipe, tant Köbi qu’Ottmar font une totale confiance à leur staff. Tout s’est donc parfaitement bien passé et j’en garde des souvenirs pour très longtemps encore.
En parlant de souvenirs, quels sont les événements qui vous ont le plus marqué ?
Il y en a pleins… Il y a le match de barrage contre la Turquie (ndlr : pour la qualification à la Coupe du Monde 2006 en Allemagne) qui a été incroyable ! Nous avons d’abord joué en Suisse et avions gagné 2-0 mais on sentait que la tension montait parce qu’il y avait déjà des altercations dans les vestiaires. Puis, en allant jouer en Turquie, on savait plus ou moins à quoi s’attendre mais je n’aurais jamais cru que l’on aurait pu vivre ce genre de choses à cette époque. Lors de notre arrivée sur le tarmac, les employés de l’aéroport nous accueillent avec une banderole indiquant « Welcome to hell » (ndlr : « Bienvenue en enfer »). Puis, nous sommes transférés vers une aile fermée de l’aéroport d’Istanbul où il n’y a pas d’air conditionnée, à peine deux guichets de douaniers ouverts et nous avons dû attendre plus de deux heures. Ensuite, nous avons attendu les bagages en vain… Comme j’avais senti le coup, j’avais demandé aux joueurs de prendre leurs chaussures de foot avec eux, dans un sac, dans la cabine. Ensuite, nous avons été escortés par deux policiers au milieu d’une foule hostile. Arrivés dans le car, nous pensions que le pire était passé mais pendant le trajet, nous nous sommes fait caillasser. Une fois à l’hôtel, durant la nuit, les téléphones dans la chambre des joueurs sonnaient toutes les 30 minutes jusqu’à ce que j’aille à la réception demander de débrancher tous les téléphones… Bref, c’étaient des méthodes jamais vues ! Sans oublier ce qui s’est passé sur le terrain le jour du match…
Nous sommes à quelques jours du début de l’Euro2016. Pour ce qui est de la Suisse, il y a eu quelques surprises dans la liste finale de Petkovic (Senderos et Inler out / Elvedi, Zakaria et Tarashaj in) – auriez-vous fait d’autres choix ou est-ce que vous les comprenez ?
Non je n’aurais pas fait les mêmes choix mais cela est dû au fait que je connais certains joueurs, que l’on a débuté la construction de l’aventure actuelle en 2011. Certainement que le sélectionneur actuel a ses propres critères mais j’aurais convoqué Inler par exemple. Même s’il n’a pas joué en deuxième partie de saison à Leicester City (ndlr : qui est devenu le champion surprise de la Premier League anglaise), il avait un rôle clé à mon époque ; il faisait le lien entre les joueurs, sans pour autant les trahir, et le staff technique parce qu’il comprend notre position. Mais il faut avant tout respecter les choix de Petkovic et faire confiance à la dynamique qu’il est en train de créer.
Du coup, les chances des suisses pour l’Euro2016…
Si vous m’aviez posé la question avant le match de la Belgique, je ne vous cache pas que j’aurais été très pessimiste. Mais lors du match contre la Belgique (ndlr : défaite 1-2 à Genève le 28 mai 2016), les joueurs ont montré un tout autre visage et cela m’a rassuré. On se rend compte que les cadres ont fait leur travail et cela se voit sur le terrain avec une autre attitude, une autre volonté. Donc je crois en les chances suisses pour réaliser une belle campagne à l’Euro2016.
Merci à Michel Pont pour le temps qu’il nous a consacré et tous nos vœux de réussite pour son avenir. Et si vous souhaitez en savoir davantage sur Michel Pont, vous pouvez retrouver la biographie mais aussi la Coupe du Monde 2014 vécue de l’intérieur dans son livre co-écrit avec Jean-Philippe Rapp « De l’intérieur ».
Fondateur du Socialize Magazine, Sandro est passionné par la musique, le cinéma, les nouvelles technologies et amateur de bonnes tables! Son motto? #kiffance!