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Retour sur 2017 – Notre album coup de cœur : Snoh Aalegra « Feels »

Retour sur 2017 – Notre album coup de cœur : Snoh Aalegra « Feels »

L’actualité musicale en 2017 aura été riche en albums de tous styles. Et s’il ne fallait en choisir qu’un ? C’est dur de faire un choix… Néanmoins,  après mûre réflexion, notre sélection se porte sur « Feels » , premier opus de  Snoh Aalegra.

Enivrante en un battement de cœur, son talent porte ses albums avec passion et son âme escorte sa musique. Elle maitrise les codes avec une élégance rare et amincit les frontières entre les époques, puisant dans les influences de la soul vintage, la nusoul, le trip-hop et le R&B.

 

Qui est-ce ?

Née à Stockholm, de parents émigrés d’Iran, Snoh Aalegra est un vrai trésor suédois. Avec un background mi-nordique mi-persan, elle fait partie des artistes suédois avec Tove Lo, Robyn, Lykee Li ou encore Anna von Hausswolff qui suscitent de l’intérêt.

Snoh grandit dans l’obsession de Michael Jackson, de Stevie Wonder, de Whitney Houston, de Prince, de Shirley Bassey, d’Aretha Franklin, ou encore de Lauryn Hill. A neuf ans, elle écrit sa première chanson et, même à ce jeune âge, est persuadée que le chant est ce qu’elle veut faire professionnellement. Vers l’âge de 14 ans, ses souhaits restés inchangés, sa maman saisit les pages jaunes et contacte toutes les maisons de disques une par une. Bien que la plupart ignorent leurs demandes, après avoir entendu sa démo enregistrée à la maison, Sony lui donne sa première chance. Et même si la collaboration n’a pas réussi à harmoniser leurs intérêts propres, cela a donné le coup d’envoi.

Les mauvais contrats, la perte de son père en 2009, entre autres difficultés, ne faiblissent pas son désir ardent de s’accomplir en tant qu’artiste et se bat pour garder son rêve intact. Ses rêves grandissant, la Suède lui semble bien trop petite pour les faire fleurir et se décide à bouger à Los Angeles afin de se rapprocher des talents du R&B.

Pour des raisons légales, on ne l’autorise pas à garder « Snoh » de son vrai nom, car un rappeur au Canada s’appelle « Snow ».  Elle choisit « allegra », ce qui veut dire « joyeux » en italien, mais modifie légèrement l’orthographe en ajoutant un « A » et en enlevant un « L ». Croyez-le ou non, ce changement de nom agit comme un élément-catalyseur à mouvement ascensionnel.

Afin de maîtriser librement l’expression de sa musique, la belle persane quitte Sony et choisit la voie indépendante avec une perspective réjouissante chez ARTium Recordings (Jhene Aiko, Elijah Blake ou Common). Un décor où elle peut exprimer sa créativité sans les contraintes d’un label majeur. No ID devient son manager et le producteur exécutif sur une grande partie de sa musique – rappeur et producteur hip-hop surnommé « Le Parrain du Rap de Chicago », il se fait connaître en travaillant avec le rappeur Common dès le premier album de ce dernier. A cette même époque, il est à l’origine de l’arrivée de Kanye West dans la production hip-hop et coproduit des morceaux avec Jermaine Dupri, Omarion, G-Unit, Lauryn Hill, Jazmine Sullivan, J. Cole, Nas. La liste est encore longue, alors pour équilibrer on peut mentionner qu’il est le seul producteur convié sur le dernier projet de Jay-Z « 4:44 ».

Octobre 2014, en préambule à son premier EP « There Will Be Sunshine », la chanteuse libère le single, « Bad Things », mettant en vedette Common, et contribue également à l’album « Nobody’s Smiling » de ce dernier.  Une collaboration dont beaucoup d’autres artistes ne peuvent que rêver. La longue piste de quatre minutes attire l’attention de la communauté musicale malgré son relatif anonymat. L’EP retrace sa vie, la découverte de soi et le dépassement des peurs. La jeune femme est à l’aise dans plusieurs registres et n’hésite pas à le faire savoir. Snoh a clairement le potentiel pour être la nouvelle star du label.

Après son clip « Emotional » et un featuring avec Vince Staples sur l’excellent « Señorita » courant 2015, la protégée du producteur No ID continue son bout de chemin.

Son deuxième EP, livré au printemps 2016, « Don’t Explain » fait des vagues et l’ampleur de son talent explose. Avec son timbre de voix original et sa soul cinématographique, Snoh captive les sens. Inspirée par la magie de la musique des années 70-80 et du début des années 90, chaque titre exploite un univers musical et visuel différent, de la soul pure au trip-hop, du film romantique en noir et blanc à l’ambiance d’un « James Bond », des paysages glacés de sa Suède natale, à la chaleur ambiante de Los Angeles, sa ville d’adoption.

En seulement trois ans, l’auteur-compositeur-interprète suscite le respect de ses contemporains. Plus récemment, on peut d’ailleurs trouver sa voix échantillonnée sur le titre « Do Not Disturb » tiré de l’album de Drake « More Life ».

Nous voilà donc arrivés à notre intérêt premier, son dernier projet en date et premier album « Feels », sorti au mois d’octobre 2017.

 

Critique

Dans une ère ou le monde musical R&B est saturé, certains artistes tirent leur épingle du jeu et ce n’est pas le fruit du hasard. La crooneuse sculpturale est non seulement ambitieuse et acharnée, mais elle a su développer une intelligence musicale qui correspond à sa beauté. Héroïne des temps modernes, beauté captivante, Snoh Aalegra captive les sens.

Dès les premières notes, le cœur bat la chamade. Ce moment où la musique devient épidermique nous laissant complétement à sa merci. Sentiment de plénitude, frissons, tremblements et explosions, étrangement accompagnés d’une tension palpable qui vous empêche de vous expirer de la chanson. Les tripes nouées, on comprend qu’on est tombés sur une pépite.

A l’instar de son deuxième EP, son album ressemble à une bande dessinée chic des années 70. Les cordes luxuriantes vous rappellent les légendes soul/pop Michael Jackson et Stevie Wonder,  Prince et leurs contemporains, mais avec un grain de production du moment. Le rendu, onirique et flottant, est un vrai délice pour les oreilles.

Sa voix, incroyablement pure et renversante de vulnérabilité, transperce les âmes à chaque note par sa puissance feutrée qui renferme une large gamme d’idoles – Amy Winehouse, Sade, Alicia Keys, Sia, Billie Holiday, Lauryn Hill, Portishead, Shirley Bassey, Aretha Franklin. Une voix nuancée à l’infini sans tomber dans la démonstration ou la démesure. Des points de comparaison sont perceptibles, et pourtant, Snoh Aalegra reste elle-même et ne peut pas réellement être comparée car il n’y a pas de tentative d’imitation. Jamais de mémoire auditive, un artiste nous avait procuré un tel sentiment.

Son complice : No ID. Ensemble, ils mêlent de manière expérimentale et atmosphérique chaque partie chantée, sans bouclé, dans un univers à dominance soul alternative. Ils exploitent l’émotionnel sans tomber dans la théâtralité.

Certains morceaux ne sont que des « bonnes parties ». Ce moment ou la chanson atteint son summum, cette tension positive qui vous tient en haleine. Chaque piste à une vibration distincte grâce à la main de production. Mood des années 70-80-90 et beats des temps modernes, une création puissante et divine, accomplie et renversante. Intelligente !

Quatre rappeurs invités créent le lien entre Snoh Aalegra et la culture hip hop. Les collaborations avec ces artistes, très demandés, ne font que confirmer le respect déjà bien mérité d’un premier album impressionnant. Logic sur la guitare espagnole de « Sometimes », Vic Mensa sur « You Keep Me Waiting », le rappeur suédois Timbuktu rappe dans sa langue maternelle sur « Like I Used To », et Vince Staples sur le plus cinématique des morceaux « Nothing Burns Like The Cold ». Ce morceau reprend le sample originel d’Isaac Hayes « Ike’s Rap II ». Sample intemporel à la puissance incommensurable. Utilisé par Portished dans les années 90 sur le titre « Glori Box » (que c’était bon), et à peu près au même moment par Tricky pour le morceau « Hell is Round The Corner ». Redécouvrir le sample originel à travers Snoh, avec toute la puissance et le magnétisme qu’il renferme, procure exaltation et béatitude.

L’humeur sombre de « Worse » évoque les sentiments de chagrin sans verser dans le too much. « Feels », léger et efficace, s’ouvre sur une chanson vintage aux airs Montow et bascule étonnamment sur des phrasés qui nous rappellent Michael Jackson, ou encore Amy Winehouse. Il faudra tout de même une immersion complète, isolé dans le monde d’Aalegra, pour sillonner l’ampleur de ses prédispositions vocales. « Fool for You », magnifique ballade old school, n’est pas sans nous rappeler (sans vouloir faire trop de comparaisons) la soul d’Erikah Badu. Sa voix rauque, terreuse, sur le morceau « Time », certainement le plus personnel car elle parle de son père perdu, prouve qu’elle n’a nullement besoin d’acrobaties techniques pour séduire.

Elle possède une maturité qui la rend encore plus attractive et captivante, on pourrait même dire mystérieuse. On a envie d’en savoir plus, de la connaître. Sa musique, sincère et forte, offre une expérience sensorielle basée sur le pouvoir émotionnel.

Tête ou cœur, qui a la priorité ? – « Feels » est la preuve qu’on peut concilier les deux sans avoir à faire des concessions.

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